De Bichkek au lac Yssik-Kul: (mar 10/04/07)
Quelle excellente nuit nous passons dans nos ravissants draps à fleurs, preuve qu'il ne sert à rien de roupiller sur le dernier Epéda : une planche de bois, un bloc de mousse et un sommaire matelas ouzbek et le tour est joué ! Un brin de toilette vite expédié et nous pouvons partir déjeuner royalement avec l'incomparable bonheur de nous délecter de délicieux croissants ! Les premiers depuis 8 mois ! Allah est grand !...C'est donc la panse bien remplie que nous pouvons affronter cette 1ère journée kirghize.
Une
fois franchi l'obstacle de l'infernal et bondissant Zozo, le
tenancier de la guesthouse, sympathique en diable, a l'obligence et
la délicatesse de nous accompagner à l'arrêt de
bus ainsi que de nous désigner le bon véhicule non sans
passer les consignes au chauffeur afin qu'il nous dépose à
l'endroit le plus approprié compte-tenu de nos aspirations.
En effet notre objectif est de trouver les cartes qui nous
permettront d'errer plus au moins au hasard une fois vers Yssik-Kul.
Aussitôt
déposés au centre-ville, nous nous régalons de
la population locale, joviale et vivante, ainsi que des nombreux chapeaux traditionnels kirghizes qu'arborent de très nombreux
hommes ! C'est d'ailleurs assez surréaliste ! Nous croyions
benoitement que le kalpak ne se rencontrerait plus guère que
dans les coins reculés des montagnes kirghizes, nous sommes
donc pour le moins surpris qu'il ait droit de cité en plein
coeur de Bichkek. C'est un ravissement car il faut bien reconnaître
le caractère pittoresque du couvre-chef en question ; en
feutre, il monte haut au dessus de la tête en se rétrécissant
; un ourlet noir à la base vient lui donner un air de bonnet
de Robin des bois tandis que des motifs kirghizes, toujours les même
semble-t-il, sont brodés sur les côtés.(cf. photo
ci-contre...)
Mais toujours en quête de cartes, nous nous frayons un chemin
jusqu'au traditionnel « Tsoum », sorte de
grande surface à la mode centrasiatique (héritage
soviétique ?). En gros, le Tsoum, c'est la version kirgize des
Nouvelles Galeries (autre chose que le poussiéreux et sombre
bouïbouï de Tashkent) lequel est d'ailleurs muni d'un
véritable rayon librairie ! Là encore c'est une
révélation quand on pense à l'extrême
pauvreté ouzbèke en la matière. A Tashkent,
trouver autre chose que les oeuvres du président Karimov
relève de l'utopie ; ici on trouve un peu de tout ! Nouveau
signe de liberté et d'ouverture que leurs voisins occidentaux
n'ont pas. Mais il ne fallait pas trop en demander, pour ce qui est
des cartes, ce n'est pas la bonne adresse...
La
bonne adresse en revanche, c'est GEOID, sur l'avenue Kiev ! Certes il
faut trouver puisque ce bureau est situé à l'étage
d'un immeuble d'habitation dans un couloir tout ce qu'il y a de plus
anonyme. Seule une pancarte noyée au milieu d'autres pancartes
informent le passant concentré à l'extrême que
c'est ici que ça se trouve ! Mais alors quel bonheur ! Des
cartes ! Enfin !.... Nous sommes encore bien loin des cartes IGN au
25.000ème mais tout de même : trouver des cartes au
200.000, 100.000, et même 50.000ème pour les plus
précises, c'est presque un rêve lorsqu'on arrive
d'Ouzbékistan où trouver une carte au 500.000ème
est déjà un exploit à la limite de l'espionnage
!!! - De plus le bonhomme qui assure la permanence, seul avec sa
théière dans ce minucule bureau où il doit se
faire gravement chier à longueur de journée est
éminemment sympathique et accueillant. Nous y achetons 3
cartes en nous promettant d'y refaire un tour au retour pour préparer
notre trek de juillet. Quel bonheur ce pays où il y a des
cartes !!!!
La
première mission accomplie nous nous mettons en devoir de
réussir la seconde : passer au Community Based Tourism (CBT),
un organisme qui regroupe l'offre touristique des habitants dans les
coins reculés. Une innitiative heureuse et qu'il faut
encourager puisqu'elle vise à faire profiter la population
locale de la manne touristique au lieu d'engraisser encore et
toujours les même grosses structures internatinales...
Malheureusement une fois arrivés à l'adresse indiquée
par le Lonely Planet (à l'arrière d'un batiment anonyme
et dans une cour transformée en décharge) on nous
informe que le CBT a changé d'adresse. Gentillement une femme
aux traits mongoloïdes très prononcés (très
kirghize en somme) parvient néanmoins à nous
communiquer la nouvelle adresse au 164 de la rue Gorki. Au prix d'une
traversée de la ville en minibus puis d'une très longue
marche nous nous y rendons...pour rien.... Pas plus de CBT ici que de
cheveux dans ma frange !...
Tant
pis pour le CBT (dont le site Internet s'avère en outre
inaccessible), nous décidons de nous replier sur l'office de
tourisme. Retour sur l'avenue principale : Chouï Prospekti que
nous remontons en pasant notament sur une granbde place résolument
soviétique dans la conception avec gros cube de béton
d'un style très « palais de l'amitié des
peuples », drapeau national fièrement dressé
et gardé par deux militaires immobiles et statue à la
gloire du pays qui n'a détrôné celle de Lénine
que depuis 4 ans paraît-il ! L'office de tourisme de Bichkeke,
il faut le savoir, n'est d'aucune utilité si ce n'est de nous
donner l'adresse de CBT..... 65 rue Gorki !.... Mais zut ! On en
vient ! Et ça fait 2 fois qu'on traverse la ville pour rien.
Personnellement j'en ai ma claque, ras-le-bol qui aura raison de la
volonté de Marion toujours partante pour abattre les
kilomètres les plus pénibles..... Elle fera moins sa
maline Tchonk Aak Suu !.... On y reviendra... lol !
C'est
donc le chemin du retour vers la guesthouse que nous entamons ce qui
nous amène à passer devant deux bonne-femmes qui ont
étalé sur le trottoir moulte chiffonerie. Nous nous y
attardons : ce sont des tissus décoratifs de yourte et autres
tours de portes (double au moins !) magnifiquement brodés ! En
plus ce n'est pas cher du tout. Là encore nous nous promettons
d'attendre le retour pour investir car pour le moment, acheter est
synonimme de porter sur son dos...
Le
retour à la Guesthouse se fait sans encombre et cette fois-ci
Ismaïl en personne, le patron est là. Un groupe de jeunes
parlant tous français avec plus ou moins d'accent est là,
nous apprenons que ce sont des guides et futturs guides du tour
opérator d'Ismaïl qui sont en formation ! Je reste
sceptique face à une espèce de cagole à la mode
russe. Elle sur un sentier de randonnée ? Ca paraît
hautement improbable, et pourtant !... Je discute aussi un peu avec
l'un d'entre eux en parlant vaguement de mon désir de
réintroduire la raquette à neige en Asie Centrale ce à
quoi il répond que pour lui, la raquette et le ski de rando
sont des rêves... Et oui ! Je suis un visionnaire !!! lol.
Puis
nous montons voir Ismaïl dans son bureau où un type aussi
bedonnant que sympathique lui tient compagnie (un ancien attaché
français de la Défense à Bichkeke si j'ai bien
compris). Notre discussion vole du Raid Gauloise qu'ils ont organisé
il y a quelques années, au trek au Kirghistan (cartes à
l'appui) en passant par mes idées raquettes qui me vaudront de
me voir donner sa carte de visite.. Sait-on jamais même si je
n'ai pas un super feeling.- Nous dérivons alors sur les
mérites respectifs des 4x4 Lada (en résumé de la
vraie merde...) et de l'Oural (le fourgon russe 4x4 avec lequel nous
voudrions rentrer en France) qui est en revanche jugé
excellent et increvable ! Tant mieux ! - Nous payons alors la
douloureuse avant qu'Ismaïl nous propose gentillement de nous
emmener à la gare routière.
Pour
tuer le temps nous rejoignons les jeunes en formation qui visionnent
un film sur un trek de français au Kirghistan au mius de
septembre. Une phrase revient sans cesse sur le documentaire : « il
pleut et il fait froid »... Tout un programme...Mais
quelle magie dans les paysages ! Nous ne pouvons cependant pas
regarder jusqu'au bout car Ismaïl part et nous emmène
dans son 4x4 dont le volant est à droite car « acheté
au Japon », j'appends ainsi que les japonais roulent à
gauche...Chemin faisant il nous parle du Kirghistan et avec une
certaine suffisance pour ne pas dire mépris se gausse de la
révolution prévue demain contre les dirigeants
ultra-corrompus du régime ! Il nous dit que le Kirghistan est
un pays libre, que la presse ne comporte quasiment que des sortes de
Canard Enchaîné, etc, etc... Nous aurons d'autres sons
de cloche ultérieurement.
A la
gare routière il nous met gentillement dans le bon bus qui
démarre prsque aussitôt et quitte la capitale kirghize
en passant au pied d'une gigantesque usine datant probablement de
l'ère soviétique et qui est dominée par une
cheminée titanesque flanquée de trois autres plus
petites, dressées comme des minarets au dessu de Bichkek !
Elles fument encore preuve que pour une fois elle est encore en
activité.
Une
fois sortis de la ville nous traversons une vaste plaine couverte de
champs et de rizières qui tous sont irrigués par des
conduites à ciel ouvert et des tranchées savament
organisées. Partout le paysage est parcouru par des cavaliers
confirmant le rôle majeur joué par le canasson dans la
société traditionnelle kirghize à l'origine très
largement nomade. Les ruisseaux bordés de verdure tendre
accueillent les joyeux plongeons et jeux des enfants du cru et les
ravissantes maisons à l'inspiration russe avec ces étages
en bois finissent d'enjoliver le tableau. - Finalement nous quittons
la plaine (enfin !) pour entrer dans une petite gorge pas très
encaissée bordée de collines verdoyantes aux allures de
steppe ! Le voyage commence ! Enfin presque car l'omniprésence
des poteaux électriques empêchent encore de s'y croire
vraiment !... Les paysages sont plaisants ce que ne pourra confirmer
Marion qui dort sur son siège. La rivière se faufile
relativement paisiblement en ondoyant entre de petites falaises
blanches (ou parfois rouge vif !) curieusement érodées
surmontées de étendues maintenat pelées elles
même chapeautées de sommets enneigés culminants
sans doute autours de 3500m et plus.
Et
puis nous quittons le défilé, le paysage s'applatit en
même temps qu'il s'élargit et nous débouchons sur
l'extrémité occidentale du lac Yssik Kul aux allures de
mer aux eaux sombres. Perché à 1600m d'altitude ses
170km de long, 70km de large (on y ferait tenir la Corse !) et 700 m
de profondeur en fond le second plus grand lac alpin du monde après
le célébrissime Titicaca ! Le paysage immédiat
est curieusement tout plat même si il est bordée au Sud
et au Nord par 2 très hautes chaînes trônant
majestueusement au dessus de 4 et 5000 mètres. Mais le temps
très brumeux nous empêche de les voir très
distinctement otant sans doute beaucoup au panorama...D'autant que la
nuit tombe bientôt.
Nous
avions prévu de descendre au village de Tamtchi mais lorsque
nous l'atteignons il ne nous plait guère : il fait noir, il
n'y a rien, c'est tristounet, à tel point que la question se
pose de savoir si on descend là ou pas. Et c'est finalement
l'absence de décision qui fait que nous trouvons toujours dans
le minibus lorsqu'il repart ! Le hasard fait parfois bien les choses
car en réalité nous souhaitions tous les deux pousser
jusqu'à Cholpon-Ata. Nous y arrivons peu après alors
qu'il fait cette fois nuit noire et devons marcher ½ heure en
arrière à travers cette ville-rue bordée de bars
et restaurants (preuve de l'activité de cette station
balnéaire en été) pour trouver pension. Après
de longues recherches infrutueuses pour trouver une adresse nous
aterrissons sur Un B&B où nous sommes accueillis pas une
très gentille femme, Tania, qui nous fait déloger un
canadien du seul grand lit du lieu et le reloger dans un petit lit
dans la pièce d'à côté.
Nous
filons estomac à terre vers le restau le plus proche et nous
laisson aller à la folie d'un poisson ! Là encore, 8
mois sans poisson nous le rende succulent d'autant plus qu'il l'est !
Un repas qui nous reviendra à 600 soms soit 12 euros. Pour ce
prix nous aurons droit au spectacle des 4 femmes de la table d'à
côté (dont l'une avec son bébé) qui se
rincent le gosier à grand renfort de verres de vodka bus
cul-sec les uns derrière les autres, dont un à notre
santé!... Toute une culture !...
De
retour à la pension nous faisons la connaissance de Tom, le
canadien délogé, et entamons la discussion avec lui
tandsi que la patrone et son gosse regardent « l'homme qui
murmurait à l'oreille des chevaux » dans notre
chambre... La petite soixantaine, pas rasé, un peu bizarre
mais quand même sympathique, cet ancien patron d'usine de
je-ne-sais-quoi voyage depuis 9 ans avec pour tout bagage un
minuscule sac à dos ! Pour être plus exact il voyage
depuis 9 ans en rentrant néanmoins 4 mois au Canada chaque
année... Je suppute que c'est un de ces types qui a consacré
toute sa vie au travail au point de finir seul et qui n'a pas
supporté l'inactivité de la retraite... C'est en tout
cas l'impression qu'il nous fait.
Enfin
nous filons à la douche dans un cabanon au fond du jardin
(qu'il ne faut pas confondre avec la cabanon suivant auquel il manque
une planche au plancher pour qu'on puisse se soulager les intestins
dans la fosse qui est creusée dessous !). La douche est
exquise bien que le pomeau de douche refuse ostinément de
rester attaché au tuyau, mais bon, on est aventurier ou on ne
l'est pas !!! lol, lol,lol... Enfin nous pouvons nous coucher sur une
literie datant probablement d'avant l'Antiquité mais qui ne
nous empêchera pas de passer une excelente nuit. Pas avant de
nous être penché sur les cartes pour nous endormir
l'esprit plein de parcours imaginaires et flous. Demain lever 9h00 !
Les piétroglyphes n'ont qu'à bien se tenir...