Plomberie.... Oui. Mais ouzbèque !............

Qui c’est ??? …. C’est le plombier (fou rire garanti quand il passe la porte) !

(mode d'emploi : en italique c'est écrit par Marion, en pas italique c'est écrit par Stéphane)

Quelle journée que celle de samedi !

Nous venions de déjeuner lorsque je décide d’aller faire un innocent tour du côté des chiottes, comme ça, juste pour marquer le coup. Mais en passant devant la porte de la chambre j’entends un fort bruit qui semble provenir du fond de la pièce. Intrigué par ce souffle plus que suspect, je m’approche et me retrouve derrière les panneaux en bois, sous la fenêtre qui cachent de grosses tuyauteries… Je comprends vite d’autant qu’une flaque se met à grossir sous mes pieds…

Branle bas de combat je me précipite sur un tournevis pour défaire les panneaux de bois et me retrouve sur un gros tuyau qui crache comme un geyser de l’eau chaude ! Une belle petite fuite ma foi… Le temps de gueuler à Marion de venir et d’attraper serviettes et seau pour commencer à éponger, la fuite a triplé de débit ! C’est une vraie fontaine qui se déverse ! Commence une course effrénée à travers tout l’appart pour trouver le robinet qui coupera l’eau sans gros espoirs puisque nous savons qu’ici tout le réseau d’eau est collectif. Pendant ce temps la chambre prend l’eau… Réquisitionnant un second seau j’abandonne Marion à la tâche de la recherche des secours tandis que désormais j’écope et shampooine le sol… Je trouve d’ailleurs vite le bon rythme qui me permet de contenir ce qui peut l’être en empêchant que l’eau n’envahisse la maison…

Pendant ce temps là, j’ai laché mon bol de thé et me suis réveillée d’un coup ! Premier réflexe, appeler Azim, l’ami du proprio et notre copain ici. Il doit savoir où se coupe l’eau. Evidemment, il ne répond pas sur son portable. Je m’engouffre donc dans la cage d’escalier pour demander aux voisins du dessus. Ils doivent quand même bien savoir où on coupe l’eau commune. Les mamies sont plus catastrophées de me voir pieds nus dans l’escalier que par la fuite d’eau. Une veut absolument que j’enfile ces claquettes. Sa fille se chausse aussi pour m’amener à l’opposé de l’immeuble pour trouver la vanne. J’ai l’impression qu’ils ne savent pas vraiment où souper l’eau. A croire qu’il n’y a jamais eu de fuite dans cet immeuble, et c’est peu croyable quand on voit l’état des tuyauteries !  Arriver au dernier étage, rien. Juste deux femmes sur le palier qui entrouvrent la porte avec soupçon… Elle nous donne un numéro de téléphone. La voisine le garde en mémoire et on redescend à la maison. Je comprends qu’elle appelle un plombier ou un service de sécurité… Moi, le russe vous savez, c’est plus dans l’interprétation que la compréhension !
Mais tout Tashkent est déjà en alerte Azim arrive (j’ai bien fini par le joindre), Kamilla (la secrétaire de l’école) est alertée et un gardien de l’école est censé voler à notre secours aussi. Nous gardons l’ambassade en réserve !!!!

Pendant ce temps j’écope comme un forcené avec un seau de 5 litres qui se remplit bien vite. Et comme c’est de l’eau chaude je gagne aussi le droit de m’ébouillanter régulièrement … Comme je n’ai pas assez d’une fuite je suis confronté à une deuxième : le seau qui me sert à écoper est fendu… Le premier qui rigole !!!! Pendant ce temps la moitié du quartier défile dans l’appart pour venir voir l’attraction du jour et s’en retourne, convaincu qu’il n’y a rien à faire à l’exception d’un type qui tente de colmater la fuite en enroulant une serviette éponge autour du tuyau… Ca m’a l’air d’être un bon celui-là ! Heureusement il n’insiste pas trop et s’en va comme tous les autres.

Et ça patauge dans la chambre et ça patauge, tout le quartier défile et vient ajouter ses traces de chaussures sur la parquet… Mieux qu’Hollywood boulevard à Los Angeles !

Arrive Marion flanquée d’une espèce de clochard d’un autre monde : c’est le plombier !!! C’est pas gagné car vu sa tête je doute que l’eau soit sa grande spécialité ! On l’imagine beaucoup plus à l’aise avec tout ce qui touche à la vodka ! Rarement vu une telle tête d’alcoolique ! Je suis sûr que par son simple passage il nous a en même temps débarrassé de tous les cafards du quartier ! En dehors de ça, Youri est un type sympa et bavard, un peu comme un type qui picolerait quoi…

Pour l’instant il campe tranquillement en ayant l’air de nous engueuler devant la fuite (mais comme on ne comprend rien tant il parle vite en bouffant la moitié) pendant que j’écope et pose sa trousse à outil qui ne contient rien ou presque. Des ciseaux, une espèce de clé anglaise mais russe dont il est très fier puisqu’elle date de Staline se vante-t-il… Et c’est tout, il tourne les talons et demande 1000 soums à Marion pour aller chercher une pièce ! Moi, j’ai qu’à continuer à écoper et à m’ébouillanter… Le voilà parti et l’arrivée d’Azim n’y change pas grand-chose. Que pourrait-il faire de plus ?

Avant de partir il a tout de même la délicatesse de s’acharner au marteau sur le vanne extérieure de ces gros tuyaux aériens et hideux où les chats se chauffent l’hiver et coupent l’eau à tout le quartier. C’était tellement visible cette vanne sous nos fenêtres qu’on aurait jamais osé la tourner. De toutes manières on y serait jamais arrivé tant elle est rouillée !!!! Avec Azim on lui tient la chaise de la salle à manger sur laquelle il est juché et on tire et on pousse de toutes nos forces pour l’aider à visser. Ca y est, c’est fait ! Il est déjà envolé au bazar pour trouver la pièce… Il faut dire qu’il n’est pas arrivé avec le J7 plein à rabord !!!! On rejoint Stéphane qui écope toujours et le rassurons autant que l’on se rassure : la pression va baisser… peut-être ! ( Yuri a-t-il seulement tourné la bonne vanne !?)

Et voilà, je n’ai plus qu’à attendre que la pression baisse et que l’eau s’arrête. En attendant. Ben j’écope…Le plombier lui est déjà reparti car il a d’autres fuites sur le feu. – En attendant ça prend un temps infini pour que cette fichue pression baisse, bien plus encore pour que l’eau et donc la fuite s’arrêtent aussi tandis qu’Azim est occupé à récupérer une affreuse peinture de Samarcande (celle qui était accrochée au mur du salon) ainsi qu’un tapis moche aussi que Brad, le proprio, souhaite se faire expédier en Floride pour agrémenter son intérieur. Bon débarras !

Retour du plombier, (une heure et demie après… il a dû courir à Parkenski Bazar pour trouver la patte de serrage adapté au diamètre du tuyau !): cette fois ça ne coule plus du tout, il peut travailler… Les débuts sont inquiétants puisque sa première manœuvre consiste à se prostrer devant le tuyau défectueux et … à effectuer une prière dévote !!!!!Et ben ! Si c’est tout ce qu’il peut faire, on est mal !... Bonne partie de rigolade quand même ! Mais non, il dégaine l’arme fatale : sa patte de serrage large d’une dizaine de centimètres et 2 longs boulons pour la serrer + une plaque de caoutchouc souple pour l’étanchéité. Première opération : découper un morceau de caoutchouc à la taille de la patte de serrage mais il râle parce que son ciseau c’est de la merde et me demande si on en a un. Je vais le chercher et il râle de plus belle parce qu’il est pourri aussi. Il ne manque pas de culot le gars mais il est tellement cocasse que nous dégainons l’appareil photo ! Après un bon ¼ d’heure, il a enfin réussi à découper son caoutchouc (opération qui aurait pris 2 ou 3 minutes à un gamin de CP, mais c’est pas un violent !). La mise en place de la patte de serrage et des morceaux de caoutchouc demande encore ¼ d’heure supplémentaire !!! Quel rendement !

Et c’est parti pour le serrage à l’aide de sa clé anglaise russe et d’une espèce de plaque rouillée qui fait office de clé… Bien sûr ça marche mal et il me demande une clé de 10. Mais il n’a vraiment rien dans sa trousse celui là ! C’est incroyable. Je fouille partout, je n’ai pas de clé, il devra faire avec ce qu’il a apporté. Déjà que c’est pas Lucky Luke, je ne vous dis même pas combien de temps il lui faut pour serrer 2 boulons avec un tel outillage !

Le tout sans jamais fermer sa bouche : c’est un incorrigible bavard ! Il est ukrainien (« Ah ! L’Ukraine !!! »), l’Ouzbékistan c’est nul, le matériel ouzbek c’est nul, en plus maintenant c’est du matériel chinois qui est encore plus nul, les tuyaux ouzbeks sont nuls, bref, tout est nul… Sacré Youri ! Marion lui propose du thé et lui en apporte : « c’est du thé ça ! » dit-il en faisant la grimace ! « Non, le thé ça doit être du thé noir, pas du vert qui est nul (lui aussi) », il condescend néanmoins à le boire… Quel personnage celui là ! Marion adore, je suis un peu plus réservé même si son côté pittoresque est prenant. Enfin la patte de serrage est en place…

Mais avant de terminer il faut faire une nouvelle prière !« Marion, va me faire du thé ! » Et la voilà qui s’exécute sans broncher !!! Mort de rire… Matée la Marion!

Pause bien méritée devant la fenêtre… Il fume sa clope l’air triste ! On reste là à regarder la rue sans parler et il soupire. Moi je suis tiraillée entre l’émotion du moment et des questions d’ordre plus pratiques : comment je vais bien pouvoir faire disparaître cette odeur putride de tabac froid, de pieds et d’alcool à brûler ! Un ange passe et on repart ouvrir l’eau à l’extérieur.

Je suis embauché pour lui tenir la chaise pendant qu’il bourrine à grands coups de marteau (prêté par nos soins bien entendu) sur une vanne et se suspend énergiquement à une autre avec sa clé russe ! Quel pays étourdissant… Tout le quartier est aux fenêtres et s’adresse à Youri qui est connu comme le loup blanc ! « Eh ! Youri qu’est ce qu’il se passe ? » ; « Eh ! Youri, dépêche toi de nous remettre l’eau » ; « Eh ! Youri ce que tu nous as fait dans la cuisine ça tient bien » ; etc, etc…Ca y est, la vanne est ouverte, il n’y a plus qu’à attendre de voir si son bidouillage tient le coup.

Youri lui, ça y est, il est chez lui ! Il se rend tranquillement à la cuisine en laissant son bordel traîner auprès du tuyau, s’accoude au plan de travail comme au comptoir du bar du coin et parle, parle, parle… Je ne comprends rien, Marion sans doute pas davantage mais on fait oui de la tête, on rit quand il rit, il est trop rigolo ce type… Je lui demande combien ça coûte, il ne sait pas trop, il me prend 4000 soum, pour le reste on verra lundi. Bon… Finalement il est presque 18h00 lorsque Youri prend la tangente. Il a bien bossé aujourd’hui le Youri ! Dans toute sa journée il aura fermé et ouvert une vanne et fixé une patte de serrage sur un tuyau !... Il doit être épuisé. Ah ! Le communisme !... Quelle merveille d’efficacité ça devait être ! Pas étonnant que tout le monde ait eu du boulot…

Le lendemain matin (dimanche) nous constatons avec effroi que ça goutte de nouveau ! Horreur ! Mais nous nous rassurons en saisissant nos pinces car nous pouvons serrer encore et encore les boulons… Youri n’avait visiblement pas trop forcé hier… Quelques tours et ça ne goutte plus. Plus tard nous avons eu la visite de 2 types qui étaient les supérieurs de Youri qui venaient vérifier le travail fait la veille. Ils ne trouvent rien de plus intelligent pour effectuer la vérification que de dévisser les boulons de la patte de serrage histoire de prendre la température l’eau chaude. Ils en prennent plein la gueule !

Alors là c’est trop fort ! Ils sortent de je ne sais où c’est deux là et ils nous remettent de l’eau plein la chambre ! Mais ils voient bien que ça marche le bidouillage qu’est-ce qu’ils déboulonnent tout ??? Je râle un bon coup et comme de toutes manières ils ont de la flotte plein la face ils revissent le plus vite qu’ils peuvent !!! La logique nous échappent quand même, une fois de plus !

Excellente et surtout utilissime intervention s’il en est. Ils s’en vont en nous annonçant que demain nous aurons sans doute la visite de leurs supérieurs à eux, pour vérifier leur vérification je suppose….

Nous préparons les petits fours pour la vérification finale par le Président Karimov lui-même ?...

Epilogue : trois jours après ça coule toujours ! C'est ainsi qu'après l'épisode du plombier viendra certainement celui du soudeur...

Comments

[nana]

Ah ces plombiers.... ils font parler d'eux aux quatre coins de la planète....
Concernant le dégât des eaux, on attend maintenant l'histoire de l'assureur....
Vous nous faites bien rire... you ri nous ! hihihi
Et le soudeur ? des nouvelles ?