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Le rendez-vous ouzbek
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2 février 2008

Au taquet entre Song Kol et Jumgal (12 juillet 2007)

Réveil matinal : il pleut… Pas le genre de truc qui enchante beaucoup au petit matin et c’est Marion qui se lève la première ce qui en dit long sur mon degré de motivation ! Nous plions la tente toute mouillée ce qui est sans importance puisque ce soir nous sommes censés dormir en dur. Pas de petit déj ce matin si ce n’est un Aspégic pour moi qui me suis levé avec mal au crâne. Alors que nousLac_Song_Kol__33_ démarrons le soleil fait un timide retour dans un ciel néanmoins globalement moche lorsque nous levons le camp.
            L’absence totale de motivation est flagrante sur nos visages respectifs ce qui se manifeste rapidement par une idée honteuse : et si nous dégotions le camion de Randonnée Céleste pour leur demander de nous descendre à Kyzart par la route puisque c’est leur destination du jour à eux aussi ? Et voilà comment au lieu de filer vers les montagnes nous nous retrouvons de nouveaux face au lac et atteignons des yourtes où nous cherchons des informations sur l’endroit où nous serions susceptibles de trouver le camion qui n’a pas pu passer inaperçu. - Soucieux de ne pas passer pour des crevards nous avons élaboré un scénario ridicule pour justifier notre renoncement : je suis censé être malade… Aussi je m’applique à prendre un air contrit tandis que Marion s’informe de la position du camion orange. Mauvaise nouvelle puisqu’on nous annonce qu’il est parti depuis la veille ! Mais nous n’avons pas tout perdu puisque nous voilà heureux gagnants d’un coup de koumis matinal avec des vieux magnifiques et Lac_Song_Kol__13_extrêmement sympathiques ! L’un d’entre eux, outre l’inamovible kalpak, la barbiche blanche et le long manteau arbore aussi de magnifiques bottes en laine tassée enfilées dans des sortes de sabots en caoutchouc noir(genre sabots de jardinage). Pendant ce temps un autre vieux, forcé de se rendre à l’évidence, confirme ce que chacun sait déjà : je suis très beau ! Et c’est avec une rare justesse que seule la sagesse apportée par les années peut permettre, il décrète que Marion est une sacrée veinarde ! Quel homme merveilleux…
 Sur ces entre faits surgit un occidental complètement déjanté qui se met à déblatérer dans un kirghize parfait (je repère bien une ou deux petites erreurs de syntaxe, mais bon, rien de grave…) avec les vieux dans des explosions de rire. Mais heureusement ça n’a pas l’air d’être à notre dépend. Visiblement ils se connaissent bien et ils déconnent. L’occidental est en fait un américain qui vit au Kirghizstan et qui prépare une thèse de géologie sur la cuvette lacustre du lac Song Kol ! Il y a des gens vraiment surprenants sur cette terre !Vers_Kyzart__26_
            Quand à nous nous n’avons plus qu’à repartir d’où nous venons et à attaquer la montée vers le col Uzbek que nous voulions esquiver. La remontée du fond de vallon tout plat est facile mais fastidieuse ce qui n’arrange rien à notre volonté. Lorsque nous arrivons au fond nous tombons sur des yourtes d’où des enfants jaillissent et s’alignent en nous demandant de les prendre en photo dont nous leur montrons le résultat sur l’écran LCD pour leur plus grande joie. Quelques centaines de mètres plus loin nous tombons sur une nouvelle yourte hantée par une vieille mamie dont l’age doit se mesurer en siècles et qui a la particularité notable d’être entourée d’oies et de dindons, bétail pour le moins inhabituel dans les montagnes kirghizes. – La suite du parcours nous offre encore une longue et fastidieuse montée sans grand intérêt juste égayée par quelques troupeaux de moutons et de chèvres d’une curiosité maladive. Sans intérêt j’exagère un peu car au fur et à mesure de notre montée la vue sur le lac (dans notre dos) serait probablement extraordinaire si nous avions la chance d’avoir un temps clair et ensoleillé ! Ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
   Vers_Kyzart         Lorsque le vallon s’ouvre en une large vallée qui se divise en 3 ou 4 branches différentes, l’absence de motivation, la lassitude et la flemme me font renoncer à la nécessité de sortir la carte et c’est donc au jugé que nous nous dirigeons vers un petit col par une petite sente qui monte sur notre droite. Mais comme tout se paie en ce bas monde c’était bien entendu à gauche ! Lorsque nous débouchons sur le col en question c’est pour constater que de l’autre côté c’est un nouveau vallon qui redescend lui-même sur… Song Kol ! Dégouttés à l’avance par l’idée de redescendre pour remonter nous optons pour une longue traversée vers un nouveau col que nous distinguons sur notre gauche, col qui nous amène à un troisième vallon qui descend sur… Song Kol ! C’est un complot !!!!
            Seule consolation, nous voyons clairement cette fois, et toujours à guche, un gros col un peu en contrebas mais clairement marqué entre 2 petites pitons rocheux et surtout parfaitement orienté, dans lequel passe un sentier bien marqué. Un œil sur la carte et j’en conclue qu’il s’agit du second col Uzbek (il y en a deux qui portent le même nom), nous nous somme rallongé de 5 bons kilomètres… Et cela nous coûtera encore une nouvelle traversée facile mais fatigante pour les chevilles. - Bien avant d’atteindre le col visé nous atteignons la ligne de crête d’où nous distinguons enfin les villages de Kyzart ! Dans un soucis d’économiser notre énergie nous avons tôt fait d’élire un vallon qui descend droit sur le village, mais aussi parce que les nuages bas qui courent sur les pentes nous font craindre de nous faire prendre dans le brouillard et de ne plus rien voir. Aussi nous basculons dans la pente raide qui descend dans cette vallée, une descente qui s’avère rapidement super chiante. AprèsVers_Kyzart__4_ les toutes petites caillasses qui se dérobent sous le pied et glissent c’est une interminable zone d’arbustes épais (mi-cuisse) dans lesquels il faut se frayer un chemin, ou  d’herbes glissantes qui dissimulent des éboulis pénibles. Pendant plus d »une heure nous descendons ainsi, à tâtons, soucieux de nous pas nous bousiller une cheville ici !
            Enfin nous atteignons le fond du vallon sur un petit replat où nous tombons sur des sentiers qui partent dans plusieurs directions. C’est le troisième que nous élisons et que nous suivons enfin tranquillement sur des sentes confortables et peu pentues dans un joli petit vallon verdoyant sur lequel nous finissons par tomber sur 2 yourtes. LES yourtes dont la plus éloignée, totalement moyenâgeuse, a la particularité d’être entourée de murets et d’enclos en pierres ainsi que d’une étable en dur !
            Notre cheminement passant à côté de la première yourte ça ne rate pas : nous sommes invités pour le koumis ! Marion ne le sens pas en demande plutôt du thé : « d’accord ! Après le koumis ! »…C’est une yourte d’un autre monde ! A l’intérieur y règne sans partage une épaisse fumée étouffante car le tuyau d’évacuation du poêle comporte d’énormes brèches. La porte d’entrée est à deux battants en bois dont l’un est à plat sur le sol. L’entrée est encore en terre battue à laquelle succèdent des peaux de chèvres ultra-dégueulasses ; à gauche de l’entrée et par terre un tas de fringues crados attend qu’on veuille bien l’utiliser, un vague pliage laissant croire qu’il s’agit du linge propre bien que des bottes pleines de merde y soient ensevelies…– Nous Vers_Kyzart__9_sommes invités à nous asseoir à la table basse sur des peaux de bêtes pourries et nous pouvons détailler le reste de la yourte : derrière nous une sorte de lit pliant émerge péniblement d’une pile de couverture et édredons crasseux ; dans un coin est posée une antique machine à coudre qu’utilisait probablement déjà sa propre arrière-grand-mère ; une table de chevet sert de meuble de cuisine et supporte une bassine pleine d’instruments rafistolés au scotch ; à côté un 1er baril en bois est suivi d’un 2ème surmonté du bishkek (mécanisme qui sert à remuer et battre le koumis et qui a donné son nom à la capitale kirghize) ; enfin il y a le poêle tout aussi percé que son tuyau d’évacuation sur lequel est posée une écuelle à gorets, une autre écuelle est posée à côté et est remplie d’huile dans laquelle baigne un morceau de merde, derrière le poêle enfin il y a un sac à merde séchée.
            La mamie qui nous a invité est vêtue d’une jupe aux motifs kirghizes (vous vous en seriez douté) qui est fendue devant sur un pantalon, sa tête et ses cheveux sont enveloppés dans un foulard vert sale. Elle est débordante de gentillesse et nous sort un pain succulent avant de ramper par dessus Marion et sous le lit pliant pour y attraper un seau de crème fraîche, puis vient la confiture délicieuse elle aussi. Un touriste ici, c’est carrément du jamais vu ! Il faut dire que nous y avons atterri suite à de nombreuses erreurs … Elle est donc ravie avoir avec elle et s’arrache les neurones pour rassembler les quelques mots de russe dont elle peut se souvenir et se lance dans le récit de nombreuses anecdotes auxquelles nous ne comprenons absolument rien Vers_Kyzart__12_mais pour lesquelles nous avons compris qu’il fallait rire à la fin.
            Pour notre confort elle attrape un morceau de merde, le casse à grands coups de marteau, le trempe dans l’huile et l’enfourne dans son poêle asthmatique qui nous crache alors une suffocante fumée dans les narines et dans les yeux. Elle y pose alors une gigantesque gamelle d’eau pour préparer le thé, puis lave des tasses dans une bassine remplie d’eau de chaussette et se fend même d’un brin de ménage qui consiste à ramasser 2 merdes et à suspendre des jumelles qui traînaient dans un coin et à brasser un peu de terre battue avec un balai dont il ne reste guère que le manche
            Vient alors l’heure du koumis et je ne cache pas que nous craignons le pire… D’abord la brave mamie se plante devant le second baril de bois et passe un lacet dans une poulie du bishkek qu’elle se met à agiter frénétiquement en tirant alernativement et vigoureusement sur les deux extrémités du lacet, le système de poulie active alors une sorte de battoir dans le baril et remue le koumis. Ca, c’est fait ! – C’est alors qu’après avoir cherché en vain quelque chose du regard dans la yourte elle défait son foulard vert crasseux des ses cheveux et l’installe au dessus d’un seau et s’en sert de tamis pour le koumis qu’elle y verse à la louche… Vers_Kyzart__2_Les grumeaux ainsi recueillis sont réexpédiés dans le baril, puis toujours à la louche elle nous rempli 2 pleines tasses de breuvage ainsi tamisé… Le cœur n’y est pas mais il nous faut bien faire bonne figure, nous le buvons dans la crainte qu’elle nous resserve. C’est le koumis le plus fort que nous ayons jamais bu et que le thé fera passer.
            Nous discutons de notre mieux avec ses quelques mots de russe et les notre encore moins nombreux. Elle nous parle de sa vie ici et aussi de son fils dont elle est très fière : « il a tout ! Des moutons, des vaches, des chevaux et une yourte ! Il a tout ! Au village il a même une télé avec 20 chaînes ! Non 40 !... Il a tout ! »… Elle est attendrissante et comme toutes les mamans fière de son rejeton. Avant que nous levions le camp elle nous explique longuement le chemin en nous montrant le village complètement blanc en contrebas et en prenant comiquement une maison blanche comme point de repère ! Elles sont toutes blanches…- Quoiqu’il en soit nous partons, attrapons un bon sentier qui suit le faîte d’une petite crête à partir duquel nous coupons tout droit sur un superbe cimetière dans une ambiance de pampa (dixit Marion).
            Sans l’avoir voulu nous nous retrouvons à traverser un champs d’orge en faisant tous les efforts du monde pour en piétiner leVers_Kyzart__17_ moins possible, traversons un ruisseau sur un tronc d’arbre incliné et glissant et tombons sur une large piste qui file droit sur le village et sur lequel nous croisons deux jeunes gars vautrés à même le sol avec une faux. A priori ils font une pause dans leur travail de fauchage d’un champ absolument gigantesque ! Ils n’ont pas fini demain les types ! En tout cas ils sont fiers de poser pour la photo et ne s’expriment qu’en nous hurlant à bout portant dans les oreilles et en kirghize…
            Après quelques minutes nous atteignons enfin le village de Kyzart au niveau de son cimetière que je pars explorer alors que Marion qui n’en peut plus préfère se poser dans l’herbe. Les tombes sont une succession de belles et surprenantes enceintes de torchis décorées de croissants musulmans ou pour les plus anciennes d’étoiles rouges, de faucilles et de marteaux… Ces enceintes clôturent des tumulus au sommet desquels est posée une grosse pierre ainsi que 3 bouts de bois dont la symbolique m’est inconnue. En tout cas ces cimetières sont absolument magnifiques. – Je rejoins alors Marion et nous repartons dans les rues en terre de Kyzart en demandant notre chemin à un jeune garçon qui nous indique un sentier qui va nous permettre de rejoindre le centre du village ; tandis que nous nous éloignons je le remarque qui nous suit curieusement à distance. J’ai vite compris pourquoi lorsque nos débouchons sur une petite rivière traversée par Vers_Kyzart__18_une très étroite poutrelle en guise de pont duquel débouchent précisément une jeune fille et sa petite sœur. Notre indicateur nourrissait probablement le secret espoir de nous voir nous vautrer dans l’eau ! Il en sera pour ses frais car Marion ne veut pas traverser et nous battons en retraite pour faire un long détour pour trouver un vrai pont qui existe nécessairement puisqu’il y a des voitures.
            Une reculade qui est aussi un bien puisque c’est ainsi que nous tombons sur une baraque avec un panneau du Shepper’s Life, un organisme plus ou moins affilié au CBT je crois, bref, une guest-house. Nous sommes fatigués et comme un chauffeur de Lada nous demande pas moins de 1500 soms pour aller à Kochkor (soit 30 euros ! Un sacré arnaqueur qui pour 0 som va se faire voir) nous n’hésitons pas longtemps avant de frapper à la porte. Nous y sommes accueillis par les enfants de la famille car visiblement les parents sont absents, mais ils se font fort de faire les choses comme il se doit. Aussi sommes nous aussitôt installés à la table du salon où l’on nous apporte fièrement de quoi nous restaurer et l’inévitable thé ! Pas de koumis, encore moins de grézia, c’est le bonheur ! – Finalement une femme, la mère, finit par faireVers_Kyzart__14_ son apparition sans doute de retour des courses ! Elle semble satisfaite du traitement qui nous a été assuré par ses enfants et s’attable avec nous pour discuter de nous et de notre périple puis elle extirpe un gros cahier pour nous montrer les mots laissés et les photos expédiées par leurs précédents visiteurs. Elle nous explique qu’habituellement ils ont également une yourte d’hôte au lac Song Kol mais exceptionnellement pas cette année pour une raison que nous n’avons pas comprise.
            Comme nous demandons s’il est possible de se doucher elle nous accompagne à la cour intérieure à laquelle aucune habitation kirghize ne déroge pour nous montrer les différentes portes qui dissimulent les chiottes et le bana tout en nous mettant en garde contre leur con de chien, surtout si nous avons une expédition à mener aux toilettes la nuit. Evidemment je pense immédiatement au chien du potier de Rishtan au Fergana (Ouzbékistan) et à l’anecdote croustillante que certains connaissent !!! Outre les commodités aménagées là où il y avait de la place la cour abrite aussi un Vers_Kyzart__25_grand jardin potager, un enclos à moutons et attachée à la patte par une ficelle un jeune faucon ! – Au bana les choses sont remarquablement bien organisées avec des armoires individuelles et numérotées, des bassines également numérotées, on se croirait au Carlton ! Sinon c’est un bana comme un autre avec notre mélange de=’eau chaude et d’eau froide à faire, etc, etc…
            Le repas sera tardif mais copieux avec une double ration d’une soupe de bûcherons, celle qui est bien grasse avec plein de trucs dedans et qui vous cale pour la nuit ; puis on nous installe des matelas au sol, comme sous les yourtes, les couvertures et les édredons et nous voilà partis pour une excellente nuit.

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