A pied de Ravangla à Tashiding, immersion sikkimaise ! (28/12/2007)
Le nuit est
meilleure que celle de la veille ce qui n’est pas bien dur. Il fait 11°C dans la chambre ce qui
est très supportable. Pourtant je ne suis pas en grande forme : sinus
bétonnés, ma de crâne, absence de jus. Mais bon, quand faut y aller ! Le
temps de prendre le petit déj’, de me faire une inhalation infructueuse et nous
bouclons nos sacs. Il me semble peser un âne mort, dès le départ ce n’est
jamais bon signe ! Nous payons et remercions le patron pour la qualité de
son hôtel et filons au bazar d’où est censé partir notre chemin. Nous slalomons
effectivement dans des ruelles boueuses emmanchées anarchiquement les unes dans
les autres, passons à côté de l’église du village qui n’est signalés que par
une croix rose en papier qui flotte au vent, traversons une petite passerelle
et tombons sur un large sentier dallé : encore une « voie
romaine ». Il passe près de la source du village qui a à peine le temps de
jaillir d’un rocher pour se retrouver immédiatement noyée sous les immondices…
Ils n’ont quand même vraiment aucune notion d’hygiène !
Et c’est parti
pour 1300 de descente une fois encore sur un sentier empierré et aménagé en un
immense escalier. J’ai calculé qu’aujourd’hui nous avons du nous taper près de
8000 marches, un enfer pour les cuisses ! Au fur et à mesure de la
descente la végétation devient de plus en plus luxuriante, vers le bas ce sera
carrément la jungle ! Pour le cheminement des sentes partent dans tous les
sens, pas d’indications et pas de cartes.. ; heureusement nous ne passons
jamais 10 minutes sans croiser un quidam qui se fait toujours un plaisir de
nous indiquer celui qu’il faut suivre. Fastoche ! Nous croisons donc
beaucoup de monde que nous saluons immanquablement de « Namaaastééé »
traînants qui leur font toujours plaisir et qu’ils nous rendent en riant. Il
est amusant de regarder les gamins préparer leur namasté de loin lorsqu’ils
nous voient débouler, et une fois fait détaler comme des lapins pour aller
raconter leur exploit à la maison ! – Les femmes sont toujours très
belles, vêtues de sarees superbes, et comme nous sommes en terre lepcha
arborent de gros anneaux d’or travaillées dans le nez.
Nous
traversons ainsi de nombreux villages où il est aisé de repérer celle du riche
(en ciment) de celle du pauvre (en bois et en osier tressé) quoique qu’aucune
n’ait jamais l’air franchement misérable. Cette descente à travers les villages
perdus et un enchantement, il n’y a rien de tel que la marche pour découvrir un
pays ! Nos yeux peuvent s’attarder sur tout, nos yeux se croisent, nos
sourires aussi, quelques questions, quelques réponses joyeuses, on se salue et
survient déjà la rencontre suivante. Les villages se succèdent, tous semblables
et tous différents au milieu des champs en terrasse et du bétail. Il est
surprenant de tomber régulièrement sur des écoles parfois très grandes au
milieu de ces pentes oubliées du monde !
Le chemin
lui-même est balisé de dizaines de chantiers où femmes et enfants assis par
terre passent leurs journées à casser des cailloux au marteau tandis que les
hommes dallent le portions planes et coffrent les pentes pour aménager des
escaliers en pierres ajustées au millimètre ! Quel boulot ! Dans 1000
ans ces sentiers seront encore là ! C’est dingue de penser à cela en les
croisant. Ils travaillent comme ça, dans une ambiance détendue et souriante. Ca
discute,ça papote, ça rigole beaucoup. Finalement ces gens ont l’air
heureux ! N’est-ce pas là l’essentiel. Leur vie est rustique, simple, sans
luxe, mais joyeuse. Loin de la misère de Delhi de ceux qui ont voulu tenter le
mirage de la ville… Les maisons sont en bon état et même agrémentées d’allées
de fleurs sauvages tandis que les gamins filent au bananier le plus proche en
cas de petit creux !
Et encore je
ne suis pas au mieux pour profiter. Je suis sans énergie et me traîne
lamentablement sur le sentier, la tête dans le guidon. Mais au bout de quelques
heures d’escalier Marion se retrouve elle aussi au taquet et c’est les jambes
flinguées que nous terminerons notre étape du jour. Nous avons de plus en plus
l’air de deux vieux crabes rhumatisants. Et eux qui arpentent ces mêmes
sentiers en claquette ou pieds nus avec des charges pas possibles sur la tête,
le tout en rigolant ! Nous sommes loin du compte avec nos godasses de
marche et nos petits sacs à dos… La descente devient réellement interminable,
rythmée par les « namasté », la joie des enfants, les images de
femmes qui s’échinent à battre le blé ou le riz au fléau sous l’œil du mari qui
glandouille assis sur le pas de la porte, les sourires francs de gens contents
de nous voir et d’échanger quelques mots. – A chaque croupe franchie nous nous
croyons arrivés mais à chaque fois une nouvelle croupe nous est proposée, ça
n’en finit jamais. – Enfin nous atteignons le fond et devons traverser un pont
suspendu qui brantole tant qu’il peut et est loin de rassurer Marion ce dont
évidemment je joue avec sadisme ! Après un dernier village nous faisons
une longue traversée à travers les fougères géantes, les lianes et les
bananiers, franchissons un passage de sentier de 30cm de large taillé à flanc
de falaise et rejoignons une route qui franchit un nouveau grand pont suspendu
perché 80 mètres au dessus de la rivière. Marion se lance quand une voiture traverse aussi, ça
balance de droite à gauche, ça ondule d’avant en arrière, elle est au
paradis ! Une fois sur l’autre rive nous faisons une longue pause
casse-croûte. Nous sommes vidés… Aurons nous encore le courage de remonter
l’autre flanc de montagne pour gagner Tashiding par un autre sentier en
escalier ascendant de 600 mètres ?
Nous n’aurons
pas à nous poser la question car un 4x4 s’arrête et nous propose de nous
monter ! Nous ne réfléchissons même pas : nous montons ! Il
s’agit d’un groupe de musiciens qui se rendent à Tashiding pour animer la
soirée des catholiques du village pour célébrer Noël (avec 4 jours de bourre…),
festivité à laquelle nous sommes bien entendu conviés ! Sympas ils
s’enquièrent de trouver notre Guest-house et nous y conduisent. Nous tombons
sur une bicoque complètement pourrie, même pour un indien pauvre, les portes à
moitié fracassés, les vitres tombées depuis des siècles… Arghhh. C’est qu’à
Tashiding y’a pas tant de choix que ça ! Mais ouf, on nous rassure, la
guest-house n’est pas le taudis sur lequel est posé la pancarte, c’est la
baraque d’en face ! Pas le Carlton mais c’est déjà mieux ! On nous
installe dans une vaste chambre assez agréable, rustique mais correcte. Par
contre c’est salle de bain au dessus des chiottes et baquet d’eau chaude. La
routine quoi… heureusement il fait bon ce soir, il faut dire qu’on est moins
haut.
Tashiding est
un village rue très chouette qui est surtout célèbre pour son monastère perché
sur une montagnette à 45 minutes de marche. C’est le second plus ancien du
Sikkim mais connu pour être à la fois le plus beau et le plus sacré. Reprenant
notre courage nous y grimpons mais j’en garde la description pour le lendemain
matin puisque nous y retournerons ! Une rude grimpée qui vient s’ajouter à
notre dure journée mais la récompense est au bout. Le Tashiding Gompa, c’est
quelque chose de fabuleux… Vous verrez demain ! La descente est très
difficile pour les jambes et c’est comme 2 handicapés que nous rejoignons le
village et notre Guest-house où nous filons à la douche avec notre seau d’eau
chaude, dans une sale de bain (enfin….) qui pue la pisse. Puis nous nous
trouvons une gargote qui fera office de restaurant en nous apportant quelque
chose de bon et de bien gras : pile poil ce qu’il nous fallait !
dehors l’orchestre s’est mis en branle et nous nous dirigeons au bruit vers
l’endroit des festivités. En gros c’est un fête de village comme il y en avait
chez nous il y a quelques décennies. C’est sans doute évènement de l’année car
out le village est là regroupé autour d’une petite scène squattée par un
orchestre d’enfer. Les musiciens sont archi-nuls entre le synthétiseur à la Charly Oleg, le batteur qui ne
sait se servir que des cymbales, le percussionniste qui s’excite dès qu’il à 1
coup de doigt à donner…, une des chanteuses en revanche est remarquable. Le
présentateur lui est impayable, chaque numéro est précédé d’une présentation
sans fin à la fin de laquelle il annonce l’artiste comme s’il s’agissait des
Rolling Stones. Et les costards ! Trop fort : bleus avec grosse
cocarde jaune fluo, grandiose tout simplement.
Mais tout le
village est là, applaudit, s’enflamme, surtout quand les gamines du village
viennent montrer leurs talents en matière de danse indienne. C’est la fête de
village quoi, tout le monde est heureux, c’est génial, tandis que les gosses
courent et jouent dans tous les coins… Après avoir regardé tout cela avec
délice assis dans l’herbe nous finissons par quitter les lieux pour rejoindre
notre chambre, rapprocher les lits et sombrer dans un profond sommeil ! Cette journée nous a tués !