Rishikesh : jour 2... (28 décembre 2007)

        Après les émotions de la veille nous passons une excellente nuit à Rishikesh, un sommeil à peine troublé par le tintamarre des indiens de l'hôtel dans les couloirs. Comme toujours le soleil règne déjà en maître sur un ciel bleu profond : encore une magnifique journée en perspective ! Et elle le sera ! - Première mission : se remplir l'estomac !... Nous traversons donc le hall d'entrée où la télé diffuse déjà un match de cricket... Mais ma parole, c'est du 24h/24h le cricket ici ! (mais non Kriket, on ne parle pas de toi...). - Nous revoilà donc sur la ruelle qui descend au sanctuaire qui abrita hier soir cette cérémonie ubuesque (cf. récit précédent), passons devant l'ashram du Guru et regagnons notre resto de la veille au soir pour un petit déjeuner d'anthologie : les toasts bourrés de légumes et fromages sont excellents, les brochettes d'oignons doux et fromage succulents, le chocolat fondu au fond du verre de lait exquis et le thé au miel et au citron un délice ! Nous voilà parés pour affronter cette journée.

        Mais avant toute chose nous retournons à l'hôtel pour profiter de l'eau chaude et laver notre linge ce qui n'est pas un luxe, croyez nous !!!  Puis nous allons l'étendre sur le toit dont je profite également pour amarer savamment (face au sud) notre chargeur solaire pour les piles du numérique. Cette fois-ci nous pouvons y aller. Re-ruelle tapissée d'affiches ventant les mérites de tel ou tel centre de massages aryuvédiques (un nom comme ça) ou mieux : baba ! (je découvre benoitement que le terme "baba" désigne un courant philosophique hindou qui prône apparemment le végétarisme, le respect de la nature, le bio, etc.... C'est de là évidemment que nous avons produit nos baba-cools à nous ! Apparemment tout le monde le sait, et ben moi je le savais pas...) Mais sinon on peut aussi choisir de suivre des cours de yoga car Rishikesh, il faut le savoir, est la capitale mondiale incontestée de cette noble activité ! Et si on en croit les affiches ce ne sont plus des maîtres yogi mais de véritables accrobates murs pour Pinder !!!

        Juste à l'angle du sanctuaire nous descendons sur une plage de sable au bord du Gange, lieu de rendez-vous de toutes les vaches de la ville et pour cause : leur repas y a été servi ! Mais ce n'est pas ce qui nous intéresse, nous nous installons face au fleuve et regardons les gens et la vie qui s'écoule sous nos yeux... Tiens ! En plus du pont il y a un bac qui relie les deux rives du Gange, en fait un vieux rafiot de bois équipé d'un moteur et qui a toutes les peines du monde à remonter le courant du fleuve pourtant loin d'être terrible à cet endroit là... Mais surtout nous observons les ascètes qui ont élu domicile le long de cette berge et qui s'activent les uns à faire leur vaisselle, leur linge, ou leurs ablutions... C'est alors que l'un d'entre eux, le visage innondé d'un large et sympathique sourire s'approche. Il a vraiment une allure extra, je ne résiste pas au plaisir de le prendre en photo. Ravi de la chose il prend la pose, vient nous serrer la main et insiste pour être encore pris avec moi, avec Marion... Si nous l'avions écouté nous y serions encore !... Décidémment souriant et sympathique, il lance alors la conversation.
        Lorsque je dis "lance la conversation" c'est une simple expression car le gars a visiblement fait voeux de silence et c'est à une véritable chanson de gestes qu'il se livre ! Ravis et pris au jeu, nous nous faisons un plaisir de deviner ce qu'il essaie de nous expliquer et comme il est rodé à l'exercice la chose est très aisée ! C'est qu'il est fort le bougre ! - Un conseil : la prochaine fois que vous jouez à "mimer c'est gagné" faites équipe avec un ascète de Rishikesh, vous serez imbattable ! -  En gros il nous explique qu'il vit ici, sur cette plage du Gange, depuis des années (15 je crois) avec ses collègues qu'il nous désigne du menton à une cinquantaine de mètres, ils y vivent de ce que les gens veulent bien leur donner et de système D. On pourrait dire que ce sont des traîne-savates mais en fait ça semble beaucoup plus complexe, il s'agit là d'un véritable choix de vie, d'une vraie démarche spirituelle qui nous échappe assez largement je suppose... C'est en tout cas un choix qui semble les contenter car ils ont l'air heureux.
        Tous les ans il effectue un pélerinage à pied jusqu'au temple de Badrinath qui doit se situer à 250 ou 300 km de là. L'aller/retour lui prend 10-12 jours ! Sacrée moyenne le type !!! ! Chapeau !!!- Il entreprend ensuite de nous montrer qu'il a fait également voeux de ne rien possèder d'autre que le strict nécessaire en nous montrant l'étendue de ses possessions qui se résume en une gamelle, une minuscle musette et un collier de perles qui vient, parait-il, du Tibet et qu'il finit par vouloir m'offrir... Enfin, vendre serait peut-être plus approprié comme mot... Comme il comprend parfaitement l'anglais nous le convainquons de garder son collier et lui filons néanmoins un billet. Après un remerciement il nous bénie puis s'éloigne en nous gratifiant de ses sourires les plus chaleureux...

A peine avons nous le temps de tourner la tête que nos yeux rencontrent son anthitèse : "Joe Night" en personne ! Un occidental, 45 ans environ, avec toute la panoplie d'Indiana Jones : godasses genre brousse, pantalon et chemise barroudeurs, barbes de 15 jours,  et chapeau d'aventurier ! Une vraie carricature ! Comme de juste, notre héro s'est attrapé une vilaine allemande rouge comme une tomate (comme toute allemande qui a vu le soleil plus de 5 minutes...) qui le bade ! Cocasses jusqu'au bout, ils mettent des plombent pour prendre une photo du genre photo de famille sur fond de pont suspendu, puis il lui fait regarder dans ses jumelles (car bien entendu il est équipé d'une gigantesque paire de jumelles...). Nous nous bidonnons un bon moment du spectacle, vaguement conscients que dans notre panoplie de montagnards (Millet, Salomon, Eider...) nous offrons sans doute un spectacle équivalent mais dans un autre genre...

Nous regagnons ainsi la ruelle principale pour nous délecter cette fois-ci des occidentaux "dans le mouv" et "à fond dedans"...  Vêtements babas extra-amples, couleurs châtoyantes et de préférence dépareillées, sandales , dread locks pour les plus audacieux de ces messieurs, sarees et foulards noués dans les cheveux pour mesdemoiselles... Nul besoin d'être devin pour imaginer que ça doit y aller sévère sur le chichon !!! On les dirait tout droit sortis de la chanson de Renaud :"Quand le baba-cool cradock est sorti d'son bus Wolkswagen [...], regarde le mariole qui se ramène, vise la dégaine, quelle rigolâââdeuuu ! Patchouli et pataugas, le guide du routard dans la poche, Areh Krishna à mort [...], tu vas voir qu'à tous les coups il va nous taxer 100 balles pour s'barrer à Katmandou ou au Népal".... Bref, nouveau bidonnage en règle ! Nous sommes décidément d'humeur sarcastique ce matin !!! C'est que nous sommes terriblement heureux et joyeux ce matin...

Il fait un temps printannier et nous décidons de rallier pédestrement Lakshman Jhula, l'autre partie touristique de Rishikesh, par un très agréable sentier. Les maisons, les habitants, les fruits dans les arbres, les ashram et les ascètes que nous croisons tout le long du chemin : cette promenade de 2 km est un vrai bonheur ! nous arrivons presque trop vite sur les premières échoppes de Lakshman Jhula qui fourmillent de colliers de perles de bois ("à chaque perle, une pensée différente" nous a dit notre ascète-mime) ainsi que des tas d'objet tibétain. Plus loin c'est le paradis du prêt-à-porter baba ! Marion y a une pensée émue pour Océane qui, dit-elle, aurait adoré cet endroit ! - il y a aussi des sacs babas que le vendeur (lui-même certifié baba d'origine contrôlée) a fabriqué, il nous montre qu'il est muni de pochettes secrètes habilement cachées sous les coutures... En clair ce sont des planques à herbe et à hashsish !!!...

        Enfin nous atteignons les temples de 12 étages, le phare touristique de Rishikesh... A chaque fois que nous découvrons un temple, c'est encore plus kitch que le précédent ! Celui-ci décroche donc le pompon : c'est une succession de cellules où trônent toutes les divinités hindoues possibles et imaginables. Comme de bien entendu, elles sont tellement naïves et bariolées qu'elles en sont drôles... Pour ma part il m'est totalement incompréhensible que l'on puisse se prosterner devant des statues aussi grotesques... Je suppose que je ne suis pas assez "dans le mouv"... Au pied du temple nous avisons un vieux qui très cérémonieusement est occupé à prédire l'avenir  en lisqnt dans les lignes de la main. Alors que Marion s'aprête à le prendre en photo il nous fait signe que non ? Serait-il possible qu'il ait lu dans la main de sa cliente qu'il allait finir sur Internet ??? De toute façon c'était trop tard, la photo était déjà prise ! - Plutôt que de visiter en détail ce musée du kitch, nous choisissons d'aller nous délasser sur une plage déserte au bord du Gange, à l'endroit prècis où il quitte des gorges où il était sans doute beaucoup plus agité... Ce qui nous est d'ailleurs vite confirmé par l'arrivée de rafts et kayaks. L'endroit est paisible et nous y restons un bon moment, cueillant au passage un galet du Gange... Pour qui sera-t-il ???
       
        Une fois de retour au temple nous traversons a copie conforme du pont suspendu de Sward Ashram pour gagner l'autre rive. Nous avons bien fait car la vue y est splendide ! En plus, des cohortes de singes hantent le pont, chippant un paquet de chips par-ci, un fruit par là, le tout sous le ragard amusé des badaus... Surtout ces macaques jouent les équilibristes sur les haubans du pont, comment font-ils pour ne pas tomber à l'eau, c'est impressionnant ! Même les tout petits sont d'une agilité ahurissante soit en autonomie, soit en se cramponant aux poils de leur mère ! (Je connais un petit portugais qui faisait comme ça..... Rhôôôôô, je rigôôle...)

        Déambulations dans les ruelles en escalier, visite de magasins, achat de tissu et autres châles... C'est ainsi que nous terminons notre visite avant de regagner notre hôtel. Nous ne résistons pas en chemin à contempler un magnifique coucher de soleil sur le Gange. Le ciel se teinte alors de rose vif en se reflétant dans les eaux du fleuve : le tableau est absolument magnifique. Quelle merveilleuse journée !

        Belle journée, oui. Mais pour qu'elle le soit jusqu'au bout nous retournons une dernière fois à notre petit resto... Et qui dîne ici, avec nous ? Hmmmm ? Et oui !... Joe Night en personne avec sa récente conquête en pâmoison. Serions nous nous aussi des toutistes ? Humiliés par cette perspective, nous optons pour un repas strictement indien par une commande simple : "exactement la même chose que la table d'à côté"... Nous ne le regretterons pas.

Bonne nuit les petits ! Un long trajet en bus nous attend demain...

Comments

[Adepte du blog]

Je suis subjuguée : je me demande bien à quelle sauce va vous convertir cette Inde insolite..... Mais j'ai encore un espoir : n'a pas des dreads qui veut et encore moins la langue cousue !!!! Je me régale...