L'Ouzbékistan, les flics, la douane et les bakchich !
La chose est
tellement rebattue par les guides touristiques et les témoignages sur
l’Ouzbékistan qu’il me paraissait intéressant d’en donner notre perception vue
de l’intérieur. Je veux bien sûr parler des pratiques des flics et de ses
douaniers corrompus du pays pour lesquels tous les moyens seraient bons pour
extorquer un bakchich… Alors qu’en est-il exactement ?
Le bakchich, un fait structurel en Ouzbékistan :
Et bien à dire
vrai la chose est plutôt authentique ! En effet il faut savoir qu’à tous
les niveaux le système du bakchich est érigé en mode de fonctionnement normal,
et je parle là du quotidien des ouzbeks. Mais il convient de situer la
corruption latente dans le contexte ouzbek, non pas pour le justifier, mais
pour en expliquer la quasi-institutionnalisation. Ce qu’il faut savoir c’est
que les salaires ouzbeks sont ridiculement bas en rapport au coût de la vie (qui
est pourtant assez faible) et ce tout particulièrement en ce qui concerne les
fonctionnaires de base. Aussi n’ont-ils d’autres moyens pour joindre les deux
bouts à la fin du mois que de trouver d’autres sources de revenus, la plus
facile et la plus commode étant le rançonnage de leurs bons et loyaux offices
au service de l’Etat certes, mais aussi au leur ! - Ainsi les
ouzbeks s’ils veulent le moindre papier ou engager la moindre démarche
administrative connaîtront-ils d’ invraisemblables longueurs et un parcours
semé d’embûches à moins bien sûr de se fendre de quelques billets au dévoué
fonctionnaire auquel ils ont affaire. Fonctionnaire qui au demeurant expliquera
sans trop se faire prier qu’il y en a une partie pour lui mais une autre, la
plus grosse, pour son chef !
C’est ainsi
que les études et les diplômes en Ouzbékistan n’ont qu’une valeur toute
relative puisque les résultats sont aussi et surtout obtenus
proportionnellement au contenu de l’enveloppe transmise aux professeurs ! Nous
avons ainsi un jour rencontré une occidentale qui enseignait en fac à Tashkent
et qui était traumatisée à l’époque des examens par le défilé d’étudiants qui,
enveloppe en main, venaient acheter leurs notes, et se faisaient éconduire dans
une totale incompréhension ! – Nous avons aussi l’exemple de cet étudiant
de l’école française qui expliquait un jour tranquillement à l’un de ses
professeurs qu’il achetait parallèlement ses diplômes de l’école ouzbèque où il
n’avait pourtant absolument jamais mis les pieds !
La police ouzbèque, un problème mineur pour le touriste :
Pour la police
le fonctionnement est le même d’autant plus que le flic de base est
particulièrement mal payé. Ne les plaignons pas, les bakchich constituent de
toute évidence et de loin leur source de revenu principale ! Quoi de plus
aisé en effet lorsqu’on met à leur disposition un pouvoir de sanction et
d’arbitraire sans recours sérieux possible. Aussi l’automobiliste ouzbek est-il
la vache à lait du milicien zélé, même s’il faut reconnaître que le style de
conduite local justifierait de toute façon une avalanche de PV en tous
genres !!! La variante est qu’une fois le montant de l’amende annoncée survient la phrase magique « mais
ça peut s’arranger », l’amende est alors diminuée de moitié (ou plus) mais
atterrit dans la poche du milicien au lieu de prendre la direction des caisses
de l’Etat.
J’ai en
mémoire l’anecdote croustillante d’une connaissance ouzbèque qui s’étant fait
arrêté par un policier n’arrivait pas à tomber d’accord sur le montant du
bakchich qu’il allait lâcher. Comme l’infraction allait lui coûter son dernier
point sur son permis (ils ont eux aussi des permis à point) il remporta la
décision avec comme argument que la somme qu’il proposait, l’examinateur au
permis de conduire, lui, l’accepterait pour lui refiler un joli permis
vierge !
Néanmoins il
faut quand même bien reconnaître que le touriste et plus généralement
l’occidental n’est pas importuné par cette plaie quotidienne que doit subir
l’ouzbek moyen. Il faut dire que pour les étrangers résidents le pays est
tellement fermé qu’il n’y a guère que des diplomates et du personnel
d’ambassade à qui il vaut mieux foutre la paix tandis que des consignes
particulières semblent avoir été données pour que les visiteurs étrangers ne
soient pas ainsi harcelés par la milice, et ce avec des sanctions suffisamment
dissuasives je le suppose, puisque dans les faits les touristes ne sont jamais
importunés et ce a fortiori dans les endroits hautement touristiques comme
Samarcande, Boukhara ou Khiva.
En fait il n’y
a qu’un seul endroit où le voyageur risquera de se faire contrôler très régulièrement :
le métro de Tashkent. En 1 an et demi nous devons bien en être à notre 30ème
contrôle mais dans les faits ça se limite quand même à un simple contrôle de
routine du passeport plus guidé par la curiosité que par autre chose. Un
sourire, dire qu’on est touriste et c’est fini ; si en plus vous êtes
français cela se termine normalement avec un flic sympa qui vous chargera de
transmettre ses amitiés à Zinédine Zidane ! En revanche il faut veiller à
toujours avoir son passeport sur soi faute de quoi les enquiquinements et
tracasseries deviennent justifiées ! Ce sera alors l’occasion de vous
faire poireauter des plombes dans leur bureau au milieu de coups de téléphones
plus ou moins fictifs afin de vous inciter à déposer quelques dollars sur la
table ce qui aura pour effet d’arrondir bien des angles… Il est prudent aussi
d’avoir ses enregistrements à l’OVIR à jour afin de ne pas leur donner de motif
valable de vous embêter. En revanche si tout est à jour (passeport, visa et
OVIR) et qu’ils vous disent de les suivre il suffit de refuser obstinément et de
commencer à parler fort ! L’effet est alors rapide : un supposé chef
débarque fort opportunément, jette un coup d’œil distrait sur vos papiers pour
sauver la face et on nous laisse partir. Ils ne tiennent pas à se faire remarquer
lorsqu’ils sont en tort !
La plaie de la douane ouzbèque : l'antitourisme !
Ah ! la douane ouzbèque ! Alors là par contre c’est vraiment tout un poème… S’il est un seul instant réellement horripilant au cours d’un voyage en Ouzbékistan il y a de très fortes probabilités que ce soit ici que ça se passe et ce tout particulièrement dans le sens du retour ! Petit tour d’horizon…
A l’arrivée en
Ouzbékistan :
Le passage de
la douane lorsqu’on arrive en Ouzbékistan ne pose jamais aucun problème si ce
n’est pour les seuls ouzbeks de retour au pays, en effet ceux-ci rapportent des
choses de leur voyage et c’est donc le bon moment pour leur tomber dessus… Pour
les visiteurs en revanche c’est sans problème. Certes entre les plombes
d’attente pour passer le contrôle des passeports, le délai hallucinant pour que
les bagages arrivent enfin et la queue interminable à la douane il faut compter
1h30 à 2h00 pour quitter l’aéroport…
Pour gagner du
temps il faut juste savoir qu’on vous demandera de remplir un formulaire dans
l’avion. Si les hôtesses ne les donnent pas il faut insister pour en avoir 2
exemplaires car l’un vous sera rendu tamponné et il ne faudra surtout pas le
perdre pour lorsque l’on quitte le pays. C’est bien assez compliqué comme
ça ! Il y a un an encore on aurait conseillé de ne déclarer aucune espèce
à l’entrée pour ne pas leur donner l’idée de vérifier… Mais les dernières
évolutions lors de la sortie du territoire me font penser qu’il serait
peut-être désormais moins risqué de les déclarer dans la mesure où on ne
dépasse pas 5000$.
A la sortie
d’Ouzbékistan :
Pour les
voyageurs étrangers c’est là que ça se complique sérieusement ! En effet
le douanier se trouve en position de toute puissance : puisqu’il s’en va
le touriste ne risque pas d’aller se plaindre, et comme il a un avion à prendre
il est facile de lui faire craindre de rater son avion et de le convaincre plus
facilement de lâcher ses dollars !
Tout commence
donc à l’enregistrement où selon les jours et les agents la chasse aux
excédents de bagage est plus ou moins ouverte ! La taxation du kilo en
trop est je crois de 5$ ce qui peut rapidement faire monter la note. C’est
l’occasion pour vous de poser la question attendue « on peut
s’arranger ? », auquel cas on trouvera un prétexte quelconque pour
que vous alliez dans un petit bureau discret afin de procéder hors de tout
regard indiscret au petit arrangement… Notons que le système peut être utilisé
par le voyageur lorsqu’il veut volontairement passer des excédents de bagage à
moindre frais puisque l’arrangement est bien sûr toujours bien moins onéreux
que la facturation légale, à chacun de négocier au mieux…
Vient alors le passage de la douane proprement dite où les bagages à main sont passés aux rayons et où l’on compare les déclarations d’entrée et de sortie du territoire en quête :
* 1) d’un quelconque objet « d’artisanat » local, y compris le plus banal, qui sera qualifié arbitrairement d’antiquité en vous déclarant qu’il est interdit de l’emporter, le problème sera finalement résolu dans un petit bureau sans témoins contre quelques dollars (n’est-ce pas papa ?), le mieux consiste donc à ne rien transporter de tel en bagage à main et de mettre tous ces genres d’objet en soute où les bagages semblent n’être que très vaguement contrôlés pour ne pas dire pas du tout
* 2) d’un écart du montant entre les devises déclarées à l’entrée et à la sortie du territoire sans justificatif qui sera l’occasion d’une confiscation pure et simple des dollars et euros superflus qui passeront directement des poches des voyageurs aux leurs… C’est la grande nouveauté 2008 !
Juste derrière
le douanier sont embusqués de nouveaux contrôleurs (une petite nouveauté aussi)
à l’air anodin qui demandent à voir les passeports en quête du visiteur qui
n’aura pas un enregistrement scrupuleux auprès de l’OVIR, l’organisme étatique
de fichage et de suivi des déplacements de tout le monde… L’occasion rêvée d’infliger une amende de 650$ (oui,
oui !) au contrevenant, amende payable en liquide évidemment et si
possible sans aucun justificatif afin de pouvoir l’encaisser soi-même… - Ils
sont aussi assez partants pour une petite fouille scrupuleuse dans un petit
bureau à l’abris des regards en quête de dollars et autres devises fortes dont
le comptage abusif verra normalement disparaître 1 ou 2 coupures (exigez la
présence d’un chef et de compter les billets vous-même !) tandis que tout
ce qui n’aura pas été déclaré sera tout simplement confisqué (toujours sans
justificatif bien sûr !).
Vient le
contrôle des passeports qui prend un temps démesuré. Normalement une simple
formalité même si le moindre tampon illisible pourra être l’occasion de
chercher des poux dans quelques têtes dans l’espoir que, par peur de rater
l’avion, on achète leur mansuétude dans un petit bureau discret…Mais c'est quand même rarissime pour les touristes rarement en défaut sur ce point - Plus loin
c’est un nouveau poste de contrôle des passeports et des cartes d’embarquement,
une simple formalité même si on y perd encore un temps fou ! – Puis un
nouveau portique pour passer voyageurs et bagages à main aux détecteurs et à la
fouille si affinité, des fois que des possibilités de bakchich auraient
échapper aux cerbères précédents ! Normalement pas grand chose à y craindre non plus...
Enfin on
arrive en salle d’embarquement où l’on est enfin à l’abris du grand racket
organisé !
Evidemment le portrait ci-dessus peut sembler effrayant mais il est bon de connaître toutes les sauces auxquelles on est susceptibles d’être mangés pour pouvoir s’en prévenir. Nombreux sont ceux qui connaissent un passage sans encombre. Ainsi nous même en sommes à notre 6ème entrée-sortie du territoire et n’avons à ce jour encore jamais laissé le moindre centime bien qu’on nous ai déjà fait quelques coups dont seule notre petite pratique du russe et notre connaissance des règles du jeu nous ont sorti. N’empêche que c’est toujours avec inquiétude que nous nous pointons à l’aéroport de Tashkent, la vérité étant tout de même que cela ne va pas en s’arrangeant !
En conclusion
voici quelques recommandations qui pourront vous éviter bien des
désagréments :
1) Ne perdez pas votre déclaration d’entrée sur le
territoire. Je suis déjà passé sans mais j’ai vu des douaniers enquiquiner à
l’extrême d’autres voyageurs qui l’avaient égaré.
2) Pour les excédents de bagage
une amie s’en est vue dispensée de paiement en affirmant qu’elle n’avait que
des soums ! Mais c’est à double tranchant l’interdiction légale de sortir
les soums du territoire pouvant être un bon motif de confiscation à la
douane !
3) En cas de douanier qui
s’intéresse de trop près à l’argent que vous transportez, montrez lui votre
carte bleue pour lui faire comprendre que c’est avec ça que vous vous en
procurez. Normalement ils ne cherchent pas plus loin. Prenez évidemment soin de
la ranger ailleurs qu’avec votre liasse de billets !
4) Peut-être est-il préférable
maintenant de déclarer honnêtement l’argent emporté lors de l’entrée pour
esquiver les problèmes à la sortie ? Nous n'avons pas encore testé la chose mais plusieurs amis oui, aucun n'a eu de problème. Attention néanmoins : au delà de 5000$ vous avez une taxe à payer, c'est là qu'il faudra penser à gruger...
5) Ne transportez surtout pas
d’objets d’artisanat en bagage à main sauf cas de force majeure ou à moins bien sûr ce
que vous n'ayez les papiers d’authentification du ministère.
6) Essayez d’esquiver les agents
qui rodent entre le guichet de douane et les guichets de contrôle des
passeports, avec leur air gentil de celui qui veut vous aider ce sont de vrais fouille-merde !
7) Faire un esclandre ne sert
a-priori pas à grand-chose car vous serez amenés dans un bureau à l’écart et il
sera facile de vous faire rater votre avion !
8) Si vous n’êtes pas à jour pour
l’enregistrement à l’OVIR l’amende est de 650$ par personne ! Payable
seulement en espèces et il n’y a pas de distributeur dans l’aéroport… Dont acte !