Un réveillon inoubliable à Kecheoplari Lake (31/12/2007)
Aujourd’hui
est le dernier jour de l’année ! Une année exceptionnelle encore une fois
qui attend déjà avec impatience sa petite sœur qui s’annonce plus mouvementée
encore ! Hasard de nos pérégrinations nous avions passé le premier jour de
l’année à danser autours du feu, en Inde déjà, c’est également en Inde et
toujours dans l’Himalaya que nous l’achevons, et là encore ce sera autours d’un
feu...
En attendant
le bruit léger de l’agitation matinale qui anime Yuksom nous tire délicatement
des bras de Morphée. Premier coup d’œil à travers la buée de la fenêtre :
il fait beau ! Je me précipite et reçois l’image magistrale d’une immense
paroi glacée dans l’œil ! Quelle beauté ! Le temps d’aller prendre
quelques photos que déjà nous quittons l’hôtel dont le jeune ne sait bientôt
plus comment s’excuser de notre mésaventure de la veille (le vol de notre
chargeur de piles), nous expliquant qu’il ne surveillait pas car il faisait le
ménage à la maison. Il est gentil mais nous voilà comme 2 ronds de flanc. Il va
falloir rationner les dernières ressources des piles qui sont dans l’appareil.
Salauds !!!
Petit déjeuner
copieux et plein de délicieuses mauvaises choses au Gupta Restaurant et nous
endossons nos sacs pour une avant dernière journée de marche. Nous revenons
d’abord sur nos pas pour rejoindre la
sortie du village où des jeunes jouent au foot sur le stade municipal – en fait
un vaste espace plat en terre flanqué de deux assemblages de bois se faisant
plus ou moins face qui doivent être des buts ? – Mieux encore : voilà le Post Office, une piteuse cahute
branlante équipée d’une chaise et d’un pot de cire dégueu tandis que dehors un
cylindre rouillé muni d’une fente et d’un cadenas est probablement ce qu’il
reste de la boite à lettres municipale !
Yuksom c’est
le Pérou ! puisqu’à la sortie du village (au niveau de la Poste donc) il y a même un
panneau (certes un peu ambigu, cf. photo) indiquant le sentier de notre
destination : le Kecheopalri Lake ! Ca descend raide et (Ô joie !)
sans escaliers pour rejoindre une piste qui n’existe pas sur la carte :
nous apprendrons qu’ici elle porte le nom de « nouvelle route »…Ben
oui ! Suis-je bête ? Juste le
temps d’apercevoir un oiseau tout vert avec le dessous des ailes rouge et nous quittons
la piste pour emprunter un nouveau sentier qui chemine à travers une jolie
forêt rafraîchissante, les maisons y sont rares et nous n’y croisons donc que très
peu de monde ce qui nous permet de préserver notre réserve de
« namasté ». En revanche pas un qui oublie de nous saluer tandis que
les marmots sont aux anges ! Diable ! Ce n’est pas tous les jours
qu’ils voient passer un tel équipage !!! Les « namasté » fusent
précédant de près les cris d’excitation qui tournent immanquablement aux fous
rires si nous avons l’idée de les prendre en photo et de leur en montrer le
résultat sur l’écran LCD qu’ils peuvent alors saloper de leurs petits
doigts tout crados ! C’est le cas
de cette marmaille pouilleuse que je mitraille à Ramgaythang : 3 baraques
plantées au milieu d’une pente interminable loin de tout et proche de rien où
il nous a fallu franchir quelques murets entre les terrasses de blé qui étalent
leur vert tendre entre les bananiers et l’odeur des sous-bois.
De sentiers en
escaliers nous finissons par tomber sur une route en fond de vallée que nous
suivons un peu pour franchir la rivière sur une passerelle suspendue à côté
d’un pont en fer en construction et déjà tout rouillé… De l’autre côté est
Lethang où je suis accueilli par un type attendant je ne sais quoi au bord de
cette route déserte. Sa curiosité satisfaite il coupe court à la conversation
et m’invite à repartir… Sympa l’accueil ! A Lethang nous décidons de
zapper les chutes du Kanchenjunga arguant qu’une chute d’eau c’est une chute et
qu’on en a plein les Pyrénées ! Argument qui nous arrange surtout pour
éviter l détour préférant nous engager résolument sur le raide escalier bétonné
et pentu qui s’enfonçe dans une épaisse et grasse forêt. Le cheminement est
très agréable, à l’ombre et pas trop raide. - Et hop ! Là, une baraque
toute seule à flanc de montagne au milieu de quelques terrasses. C’est
fou ! Un jour un type est venu ici avec femme et enfants ; il a
défriché un morceau de jungle, remué des tonnes de terre pour monter ses
terrasses, planté des trucs et des machins, et il vit ici ! Quand on y
penses ça parait insensé !
C’est un peu
plus loin que nous croisons un couple d’anglais qui ont couché au Kecheopalri
Lake chez un vieux lama dont ils ont un souvenir enchanté ! Ce sont les 2ème
à nous en parler, nous retenons l’idée et reprenons notre chemin sur une pente
désormais beaucoup plus exigeante pour les mollets ! Tout ça pour
redescendre aussi sec et perdre tout le bénéfice de la montée et rejoindre une
passerelle au pied de laquelle 2 femmes sont occupées à…. s’épouiller !!!
Notre passage ne les émeut guère et ne change rien à leur occupation – C’est
une passerelle. Enfin… Ce fut une passerelle en bois ! Car elle est en
piteux état la pauvre... Branlante, penchée, ses câbles de suspension ont
depuis longtemps dépassé la date de péremption. Quand aux lattes de bois sur
lesquelles il faut poser les pieds il ne doit en rester environ qu’une sur
deux, les survivantes étant d’ailleurs à l’article de la mort, moisies ou se
dérobant sous le pied. Néanmoins nous
nous engageons et tout se met à tanguer d’avant en arrière mais aussi de droite
à gauche ! Le jeu est rigolo, je suis aux anges tandis que Marion se
cramponne à mon T-shirt et c’est ainsi amarré que nous parvenons de l’autre
côté.
Mais la
récréation est de courte durée car une pente très sévère et bien longue nous
attend. Elle se radoucit à l’approche d’un chouette petit hameau paisible
planté au milieu des blés jaunes. Un gamin de 3 ans à peine, seul et livré à
lui même, joue sur un muret tandis que le son de quelques voix travaillant
probablement dans un champ nous parviennent.
De pentes en
pentes nous atteignons enfin un nouveau village un peu plus actif bordé de
drapeaux à prière, signe que nous devons approcher du lieu sacré. Et effectivement
après avoir traversé ce joli village nous tombons sur la route qu’il nous
suffit de remonter sur un kilomètre pour arriver au parking du lac où attendent
taxis et gargotes miteuses. C’est d’ici aussi que démarre le court sentier du
Kecheopalri Lake, un lieu hautement vénéré par les bouddhistes sikkimais vu
qu’il serait né de l’empreinte de pied de je ne sais quel Dieu au court de je
ne sais quelle histoire abracadabrantesque.
Le petit
chemin passe devant quelques temples et chortens et rejoint les rives du lac
pour atteindre un petit temple en bois sans aucun intérêt particulier mais à
parti duquel la vue s’ouvre sur l’ensemble du lac. Il est charmant, enchâssé
dans une cuvette boisée, et cerné de drapeaux à prières qui reflètent leurs
couleurs dans les eaux du lac. Face au temple en bois, un ponton bordé de deux
rangées de moulins à prières permettent de rejoindre la rive sans s’embourber
dans le marécage et d’y déposer des offrandes. Nous n’avons ni offrandes ni
prières mais décidons quand même de retirer nos godasses pour aller faire
valser les moulins et sonner les cloches ce qui a pour effet de faire débarquer
les nuages. – Il est alors temps pour nous de faire demi tour au milieu des
touristes hindous qui se disputent quand au sujet qui doit être celui de leurs
prières…
C’est alors
que nous nous restaurons de délicieux chopchuey dans une des gargotes du
parking que nous sommes abordés par une jeune fille qui se présente comme étant
la fille du lama (première nouvelle !) et nous explique quel chemin il
nous faudra prendre pour atteindre le village et dormir chez lui ! Si
c’est pas un coup de bol… Le chemin nous empruntons. La cache ! Qu’il est
raide ! Tout en terre, sans escalier, glissant, arriver au monastère se
fait au mérite ! Nous montons le plus lentement possible pour essayer de
ne pas transpirer comme des bœufs et nous y parvenons presque. En haut du
sentier la fille nous attend et finit de nous accompagner jusqu’à destination.
Ce n’est pas
un monastère, c’est un village d’une vingtaine de maisons sommaires ,
complètement paumé et moyenâgeux juché tout en haut d’une crête. On y trouve un
gompa de taille normale devancé d’un grand chorten peint en blanc avec le
traditionnel œil en haut. L’endroit est merveilleusement paisible, le gens tous
souriants et amicaux. Immédiatement nous tombons sous le charme. Pala nous
accueille donc chez lui. Et l’entendre il est un ancien lama bouddhiste rentré
au village à la mort de ses parent pour être plus proche d’eux. Mais auparavant
il a été le cuisinier attitré du Dalaï Lama en personne qu’il a accompagné dans
de nombreux voyages à travers le monde entier. D’ailleurs le Dalaï Lama
lui-même serait venu un jour lui rendre visite en hélicoptère, la légende
voulant qu’à son arrivée l’attendait déjà son plat préféré car Pala l’avait vu
dans un rêve ! – Si je n’ai guère de doute sur le fait qu’il ait été l’un
des cuisinier de ce bon vieux Dalaï, je suis en revanche plus circonspect sur
son passé de lama, la marmaille dont il se revendique le père, sa jeune épouse (il
dit avoir 80 ans) et son affection prononcée pour la bouteille n’étant guère en
adéquation avec l’emploi… L’explication viendra plus tard.
Mais pour
l’heure, après le traditionnel thé de bienvenue nous partons explorer le
village, son monastère banal avec sa forêt de chortens couverts de mousse, son
hallucinante école : en fait un baraquement en bois avec des tableaux, et
quelques bancs grossiers… Tut ici a un air de bout du monde ! Les maisons
sont faites de planches et d’osier tressé, porcs et chèvres râlent dans leurs
enclos, les enfants sont de corvée de bois, une femme fait sa toilette dehors
avec son gamin, les tout petits déambulent culs nus au milieu de tout cela, une
fillette joue avec…. Une machette !!! C’est un endroit enivrant, enchanteur
et serein à la fois. Je déambule au milieu de cette micro société qui vit, je
suis ailleurs et partout à la fois… Ces quelques heures dans ce village dont
j’ignore même le nom (mais en a-t-il seulement un ?)) resteront gravées à
jamais.
A notre retour
à la « guest-house », en fait une pièce en osier tressé et un lit de
planches, la nuit tombe et un népalais installé au village depuis 2à ans est
occupé à allumer un grand feu. Plus doué que moi en la matière, il a tôt fait
de tirer de 4 brindilles un vrai feu de la Saint Jean ! Pala,
lui, nous préparé un délicieux repas avec ce qu’il avait sous la main et que
nous dégustons dehors, les assiettes sur les genoux, assis en tailleur autours
du feu. L’ambiance est merveilleuse, la bonne humeur de mise, et les rires fusent
au gré de ce que racontent les uns et les autres. Même les enfants les plus
jeunes ne sont pas tentés de s’évader pour jouer… Chez nous, on pourrait
toujours essayer !!! La télé ou la Playstation auraient vite fait de mettre leur
patience à l’épreuve !
Pala nous
raconte ses épopées dans le cortège du Dalaï Lama, il y aurait gagné assez
d’argent pour revenir au village et vivre de ses rentes. Nous discutons
longuement sur l’Inde ? l’Asie Centrale, l’Europe avant que Pala ne se
montre fasciné par une carte du ciel que possède Adélaïde (une autre française,
sculpteuse déjantée échouée ici avec son copain allemand). Immanquablement nous
voilà plongés dans une exploration des étoiles dans un ciel d’une incroyable
limpidité couvert de tant d’étoiles que le noir de la nuit peine à s’y faire sa
place ! C’est le 31 décembre et nous passons probablement le plus mémorable
réveillon de notre vie, assis là autours d’un feu, profitant de la plus
opportune des coupures d’électricité, en compagnie de gens fabuleux que nous ne
comprenons même pas (excepté Pala qui parle anglais), une soirée d’un extrême
simplicité à regarder les étoiles et à chanter chacun une chanson de chez nous…
Lorsque nous
nous couchons nous sommes déjà en plein rêve. Nous entendons encore tard dans
la nuit les cris des enfants qui jouent et les chants qui montent des autres
maisons du village.