Fin du voyage et retour à Siliguri (02/01/2007)
6h00, le bruit
de cars qui démarrent me tirent du lit. Dehors c’est complètement bouché et je
suis dégoûté comme jamais : nous aurons décidément joué de malchance avec
ces satanés nuages qui nous auront caché les hauts sommets les ¾ du temps et
immanquablement à chaque fois que le panorama aurait du être le plus somptueux.
Je repartirais donc frustré du Sikkim qui ne m’aura pas offert les vues
mythiques que j’attends depuis toujours. Du coup lorsque Marion s’éveille 1
heure plus tard nous décidons de boycotter le Pemayangtse Gompa, bouclons nos
sacs et rejoignons les taxis… Hélas le 1er est plein, et le second
aussi. On est mal ! Il faut absolument qu’on parte car les heures nous
sont comptées ! – Devant notre détresse le chauffeur appelle un pote qui
nous dégote 2 places dans une jeep. Ouf ! Nous sommes sauvés.
Nous pouvons
donc nous précipiter pour engloutir un rapide petit déjeuner avant le départ
lorsque soudain les nuages se déchirent pour laisser place à une interminable
barrière blanche qui se dresse comme les crocs effrayants de la mandibule
inférieure de quelque monstre gigantesque. La vision est saisissante, le
spectacle fabuleux malgré que le maître des lieux, le Kanchenjunga, soit le
seul à refuser de se montrer. Nous quitterons donc Pelling sur la fantastique
note de cette image inoubliable.
Et voila notre
jeep sur laquelle on harnache nos sacs tandis qu’un petit vieux adorable et
magnifique avec ses cheveux blancs, sa barbe blanche éparse et son costard sale
n’échange gentiment sa place pour nous permettre d’être cote à cote. Le
chauffeur, lui porte toute la gentillesse du monde sur lui et c’est une joyeuse
jeep qui se lance dans la longue descente avec nous devant et toute une famille
sikkimaise derrière nous. La première heure de conduite du chauffeur est
intégralement consacrée à ses prières, rythmée de grands coups de patins pour
éviter d’écraser telle ou telle vague bestiole en accord avec les préceptes
qu’il loue, tandis qu’à l’arrière un gamin malade chiale et chialera durant
l’intégralité du trajet…
C’est ainsi que
nous désescaladons les pentes abruptes himalayennes, de villages en villages,
de vallées encaissées en vallées encaissées, de franchissement de ponts
branlants en franchissement de ponts en bambous. La route est effroyablement
sinueuse, régulièrement coupée par des glissements de terrain ou des
effondrements que des armées de femmes réparent en cassant des cailloux au
marteau ! Ici un pont suspendu en construction, là un barrage
hydroélectrique avec une pancarte « clean power for ».
A Jorethang
dont un grand mur est couvert d’une fresque représentant les différentes
ethnies du coin dans leurs tenues traditionnelles nous faisons une petite
escale avant de filet sur Melli, check-point de sortie du Sikkim et d’entrée au
Bengale Occidental. On ne peut pas s’y tromper d’ailleurs car comme si le
passage de cette fausse frontière était une téléportation, le changement est
radical : chaleur moite, bruit, immondices partout, traditionnel bordel indien
et bien sûr crasse épouvantable à tous les étages… Nous n’avons pas fait 2 kilomètres mais
qu’il est déjà loin le Sikkim !
Nous n’en
finissons pourtant jamais de sortir de cette interminable vallée creusée par
une magnifique rivière vert émeraude. Je consulte l’altimètre : 200 mètres. Et pourtant
nous sommes réellement en pleine montagne ! Surprenant… Et puis la sortie
est soudaine : d’un seul coup, sans zone de piémont, au détour d’un
virage, paf ! Nous voilà en plein milieu d’une vaste plaine grouillante de
monde et de saleté ; revoilà les rikshaws inadaptés aux pentes
montagneuses ; revoilà ces immenses lits de rivière surpeuplés de
bidonvilles et de gens qui y cherchent je ne sais quoi mais ramassant des
cailloux, fouillant l’eau noire de crasse ou y avant hommes et linge ;
revoilà les échoppes miteuses le long des routes. C’est toute l’Inde qui nous
explose à la face comme un choc ! C’est quand même fascinant l’Inde !
C’est dans ce
changement radical d’ambiance qui nous désoriente jusqu’à Siliguri. Siliguri et
son grouillement humain, son concert de klaxons, son trafic et bordel
indescriptibles. Comme à nos arrivées sur Delhi nous nous sentons perdus,
oppressés. Comme lors de nos arrivées à Delhi ou ailleurs, se plonger au cœur
de l’Inde et de sa vie nous demande encore une fois un temps dadaptation. A
peine descendus du taxi et nous voici assaillis de mendiantes repoussantes et
de cyclo-pousses. Fini la tranquillité ! – Nous nous dégotons un hôtel,
crade bien entendu mais bon, finalement pas plus qu’un autre ! Puis après
un petit crochet en cyclo-pousse par la Poste nous découvrons un havre de paix et de
calme, chose impensable à Siliguri ! Un petit resto dans un grand patio
qui nous permet de tuer une bonne heure le tout en nous régalant d’une bonne
petite… pizza ! Ben oui, on a craqué !
C’est
également ce soir là que nous passons 2h30 dans un cybercafé à discuter sur MSN
avec la France.Ah
Internet ! Quel miracle ! De retour à la chambre, après une toilette
au baquet d’eau chaude (payant) nous nous offrons une pause télé découvrant les
dernières nouvelles des suite de l’assassinat de Butho aux émeutes du Kenya.
Nous sommes de retour dans le Monde qui ne nous a pas attendu dans son
perpétuel et souvent dramatique mouvement…